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Carnet de Bord |
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Vendredi 27 Juillet 2001 Arrivée à Bichkek Le début
d'une aventure se fait toujours sous pression. Deux jours de voyage
et peu de sommeil contribuent à nous déphaser... Mais
le dépaysement, si magique, est au rendez-vous.
Nuit en vol L'état physique dans lequel se trouve le voyageur à cet instant est très particulier, une espèce de brouillard entretenu mêlé de surexcitation : une alchimie que créent les instants de sommeil courts et irréguliers
comme volés par petits morceaux
(dans l'avion, dans la zone de transit de l'aéroport, dans
la zone d'attente de l'aéroport 2 de Moscou, où on nous
a transférés, dans le 2nd avion, etc.), le peu d'heures
dormies au final, l'effervescence du départ, l'énervement
provoqué par les opérations de paperasseries (douanes,
enregistrement), la peur, bien qu'animée de curiosité,
de l'inconnu, et surtout du Tupolev. Ce mélange explosif ne
serait rien sans la pression physique qu'exerce l'altitude, une fois
dans l'avion, mêlée de la crainte de se crasher (ça
s'arrête là : les sbires de Ben Laden n'avaient pas encore
fait tristement parler d'eux). Il faut ajouter les repas servis à
des heures non fixes, et le décalage horaire. Au bout du compte,
nos repères temporels se sont évanouis, envolés
avec les aéroplanes, et nous, nous planons. Nous étions
tous persuadés d'être partis hier de Paris, alors que
c'est déjà avant hier. Et c'est dans ce coma vaseux, le regard vitreux et les oreilles dans du coton, que l'on atterrit. Arrivée sans encombre à l'aéroport de Manas, à Bichkek. Il est 2h du matin. On échange nos premiers dollars contre des soms pour payer la taxe de séjour. La Kirghize charmante de la douane (qui fait aussi le change) nous parle en allemand, Chris répond. Elle réalise qu'on est Français à la fin de la discussion. Peu importe, ce qui compte c'est que le message passe. Le chauffeur de taxi collant Nous sommes les derniers. Les employés
des sacs tiltent sur le fait qu'il y a une tente avec le sac à
dos de Rémi, et pensent que cela peut être compté
comme un deuxième bagage. Dur de comprendre ce qu'ils veulent
vraiment, ce qu'ils espèrent. Ils laissent tomber. On les quitte.
pour retomber dans les bras de mecs plus magouilleurs. Ceux de l'aéroport
marchent main dans la main avec les taxis, semble-t-il. Voyant venir
le coup, nous expliquons que nous voulons dormir sur place, prêts
à retourner vers le hall devant lequel nous sommes passés.
Ils refusent, pour nous obliger à passer dehors, pensons-nous,
dans le genre : « On ferme la boutique ». En réalité,
nous accédons à un autre hall, où l'on est autorisé
à rester, cette fois-ci. Mais le taximan Turc, lui, n'a rien
d'un malentendu : il nous colle, essaie de négocier pendant
un bon quart d'heure. Et le russe lacunaire de notre interprète
de service aide difficilement, surtout à l'atterrissage, comme
ça, à froid. La question se pose : ne vaut-il mieux
pas faire mine de ne pas comprendre, histoire de couper court à
la discussion ? C'est parfois un bon échappatoire. On finit par se retrouver seuls, dans cet immense salle vide.
Des policiers passent régulièrement. C'est plutôt rassurant. Quoique... Dans un coin, une babouchka, visiblement abandonnée, attend sur un siège, silencieuse. L'aurore est encore loin. Il est 4h. Les yeux s'entreferment. Excités, nous ne dormons pas ou peu, enfin, ça dépend qui. Jour Puis vient l'heure du premier bus,
le 153 à destination de Bichkek, 30 km plus loin. Nous réussissons
la prouesse de le rater. Le suivant ne se rend pas exactement à
l'endroit qu'indique le guide. C'est en ville, oui, mais plus loin.
Ah. Va savoir, ce que cela représente exactement en distance.
S'ensuit une discussion animée avec les chauffeurs de taxi
venus comme des mouches proposer leurs services, de manière
plutôt cavalière. Mais il n'y a pas photo : après
négociation, le prix du taxi descend à 1$ par personne,
contre 15 soms pour le grand véhicule jaune qui nous attend
(1$= 47s). Le bus est un vrai bonheur. On dirait une caravane d'artistes tziganes en tournée. Des sièges bizarrement recouverts d'un tissu épais qui ressemble à une couverture. Rien n'est vraiment symétrique, surtout pas neuf. Le chauffeur a le haut du sourire entièrement composé de dents dorées. Trajet en bus : spectacle dehors comme dedans Nous parcourons les 30 km avec nos yeux embués, las, et pourtant grands ouverts d'émerveillement. Tout au long de cette longue route droite, le bus embarque des voyageurs. Chaque seconde apporte une image nouvelle. Le plus beau, que l'on se prend dans la vue dès le début, ce sont ces montagnes immenses et imposantes qui se dressent tout net au milieu de la plaine où nous nous trouvons. Ensuite, c'est une série de flashes : un troupeau de vaches qui traverse l'axe routier (une 4 voies, plus ou moins) guidé par des cow-boys aux yeux bridés, on aperçoit un groupe de chevaux, et puis, plein de petits commerçants, des gens qui se mettent sur le bord de la route avec une planche de 1m2 et trois cigarettes dessus, des fruits. Par la vitre, on voit des routes sur les côtés : elles ne sont pas goudronnées, il n'y a pas de trottoir. |
Les espaces entre les maisons ressemblent
à des terrains vagues. Rien n'a l'air droit. Décrire.
ce n'est pas facile. Pour l'instant, ce ne sont que des images fugitives,
captées en chemin. Les maisons, elles ont l'air plutôt
basses, blanchies à la chaux, avec des parties boisées
autour des fenêtres, peintes en bleu ciel. Il paraît que
c'est pour repousser les mouches... Nous étions seuls au départ
du bus. Au fur et à mesure qu'on se rapproche du centre, il
se remplit sans jamais se vider. Les transports en commun bondés
ont un autre goût que le métro parisien. Le dépaysement
est dans la manière qu'ont les gens de s'entasser. On a l'impression
que ça part dans tous les sens : les jeunes s'installent sur
les genoux des adultes, certains adultes proches le font entre eux,
on s'assoit sur des sacs de denrées, on est debout, on s'accorche
où on peut. C'est plein de couleurs, de chapeaux traditionnels
noirs et blancs, de fichus sur les têtes, de sièges qui
grincent, de trous dans le plancher. L'oeil du touriste se délecte
de ce joyeux capharnaüm. Rien à voir avec les sardines
tristes et muettes qui se serrent sous les lumières blafardes
du métropolitain souterrain. Bien sûr, il s'agit là
d'un point de vue déformé. Sortie de bus à proximité
de Och Bazar, le grand marché de la capitale. On ira une autre
fois. Le centre est tout droit au bout d'une avenue longue de plusieurs
kilomètres. Il n'y a qu'à suivre. Les rues sont larges
et toutes bordées d'arbres. Les trottoirs ne sont pas toujours
dallés. Certains sont des sentiers en terre. C'est la campagne
à la ville. Premier arrêt sous la fraîcheur des branches pour prendre un thé. Une petite terrasse est installée, mais il n'y a pas de magasin. Le couple de vendeurs a simplement un étal avec des pâtisseries et des boissons dans des thermos. On assiste à une scène étrange : un bus est à l'arrêt, le bras qui le lie au cable d'alimentation électrique au-dessus de lui, vient de se démettre. Un homme se suspend à une corde pour tirer sur la tige mécanique : il l'abaisse pour tenter de l'enclencher à nouveau sur le cable. Il faut viser juste. Il y parvient après plusieurs tentatives. Première rencontre avec les plats locaux Nous nous rendons au consulat de France (qui fait office d'ambassade) afin de déclarer notre présence sur place. Nous leur demandons aussi de garder nos billets d'avion de retour. Quoiqu'il puisse nous arriver, nous aurons l'assurance de les savoir en lieu sûr. Nous demandons enfin quelques
conseils sur les hôtels et laissons nos sacs en consigne. Nous
passerons les reprendre une fois que nous aurons trouvé où
dormir. En attendant, il faut arpenter la ville à la recherche
d'un endroit bon marché (c'est le principal de nos critères). Le premier hôtel conseillé,
le Semetey, se trouve juste en face du Ministère de la Défense.
Comme dans la plupart des anciennes républiques soviétiques,
ce bâtiment étatique est l'un des plus imposants. On
sent qu'il n'a pas manqué d'activité (contrairement
au Ministère du Tourisme et des Sports qu'on n'a jamais pu
trouver, malgré les plans). L'hôtel est donc fréquenté,
entre autres, par des militaires. Le prix nous attire peu. Les autres
hôtels visités sont complets.
On se lave directement sur le sol. C'est bien, on peut se nettoyer
les pieds pendant qu'on est assis sur le trône. Deux détails
: l'eau est froide (sans commentaires). Il ne faut pas avoir peur
des blattes (pareil). L'hôtel possède un
restaurant, caché au fond d'un couloir. Pratique pour s'alimenter
sans aller trop loin (ça peut être risqué le soir,
comme on le découvrira le lendemain). On découvre les
plats locaux. Il faut beaucoup de temps pour demander (et comprendre)
de quoi ils sont constitués. La serveuse amusée nous
imite la poule (kouritsa) qu'il y aura dans notre soupe. Comme elle
est mignonne, elle restera pour nous, la «kouritsa.» Chris
n'aime pas le mouton, ce qui est plutôt malvenu dans ce pays.
Il faut donc aussi expliquer cela aux cuisinières. Au fil des
jours, notre connaissance des plats locaux ira grandissant. Il y en
a une dizaine environ que l'on retrouve dans tout le pays, à
base de pâtes ou de riz. On finit forcément par en faire
le tour. Les salles du restaurant sont très particulières. L'une est toute capitonnée : une espèce de cuir ou de toile plastifiée brune recouvre les murs. L'autre est ouverte sur l'extérieur, telle une terrasse, ou plutôt un préau, mais une grille forme comme un mur aéré que l'on ne peut passer.
Un bassin traverse la pièce
en son milieu : 70 cm de fond et de large, environ. Il faut l'enjamber
pour atteindre certaines tables. Curieux. Première nuit bénéfique en Kirghizie. |
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