Carnet de Bord


25/07
26
27
28
29
30
31
1/08
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25

Dimanche 12 Août 2001

Un bon départ

  Courses au marché de Karakol : nous remplissons nos sacs. Le bus saute à n’en plus finir et nous dépose. Ravis et accueillis par une charmante famille, nous visitons le site merveilleux du départ. Mais il y a de l’embrouille avec nos hôtes et on finit dehors à contempler les étoiles.

Le marché de Karakol

  Antoine, Jérémie et Rémi réveillent les deux pachas de l’hôtel. Tout le petit monde se met en branle pour avaler un petit déj’ désormais classique et établir le plan de la matinée. Il faut acheter de la bouffe pour les six jours et vider nos sacs, dont le superflu sera laissé en consigne à l’hôtel. On compte le nombre de repas et on fait la liste des courses. Evidemment, ça promet de ne pas être très varié : thé et biscuit le matin avec éventuellement fruits secs, pâtes ou riz et poissons (nos éternels bretlinas ?) puis fruits secs, soupe et riz ou pâtes puis fruits secs. Seuls petits luxes prévus : du saucisson qui ressemble à du saucisson à l’ail mais qui n’en est pas (on a jamais su ce que c’était mais c’était pas fameux, sauf si on le compare aux bretlinas) et du chocolat. Ne pas oublier le PQ, le sel, le sucre et l’essence pour le réchaud.
 

  Allez ouste, on file au marché. Il s’étale entre deux rues sur deux allées de 100m chacune. Petit mais suffisant. A son entrée, on trouve un gigantesque tas de délicieuses pastèques et de savoureux melons, un peu trop lourds hélas pour nous. Au bout, des glaces et du pain pour satisfaire le gourmand. Comme tout bon marché qui se respecte, c’est un bric à brac de différents stands vendant dans le désordre des pâtes, du riz, du papier à écrire, des biscuits, des bonbons, des légumes, etc… et là, on découvre trois petits trucs qui vont nous changer la vie.

 

  Dans l’ordre croissant des plaisirs qu’ils nous ont apportés, j’appelle : médaille de bronze, les différentes boîtes de poissons. Et non, les Kirghizes ne mangent pas que des bretlinas (voir les journées précédentes où il en est forcément question), ils ont plein d’autres boîtes de poisson, dont le nom et les éventuelles images du poisson qu’elles contiennent nous laissent perplexes (on n’a jamais réellement su ce que nous mangions). Qu’importe, tout fait l’affaire quand il s’agit de remplacer les déjà trop souvent avalées bretlinas. Bref, avec cinq sortes différentes, on devrait trouver notre bonheur, non ? Bon, on ne veut pas gâcher le suspens qui tient en haleine la courageuse lectrice ou le courageux lecteur de ces lignes (oui, on est déjà le 12 août, et il faut lire encore treize jours pour boucler le journal) mais on peut d’ores et déjà annoncer que ces différents poissons sont loin d’avoir tenu toutes leurs promesses. Médaille d’argent : les cubes Maggi (!) au goût poulet qui franchement, vous changent le goût des pâtes. Une excellente trouvaille. Mais pourtant, c’est toutefois, le caramel mou qui l’emporte. Délicieusement sucré (surprenant, non ?), dur et fondant dans la bouche, au goût prononcé (de caramel), vendu sous forme d’un disque de 20 cm de diamètre (mesuré au pied à coulisse, svp), de 3 cm de hauteur, ce fut lui qui égaya nos repas. Et celui-là, on savait ce qu’il valait avant de partir car à part Chris, qui le trouvait bien sucré, ce fut la ruée vers l’or caramélisé (un gâteau et demi a disparu avant le départ). Même dans notre France culinairement un peu plus variée, on s’en lèche les babines à son évocation.
 

  Sinon, on a pris sept kilos des trois types de pâtes différentes (on trouve la variété des repas où on peut…), deux kilos de riz, trois kilos d’abricots secs et trois de raisins secs, trois kilos de biscuits secs (dont certains portent un peu trop bien leur nom), deux gâteaux de caramels, six plaques de chocolat (objectivement assez moyen, mais très bon sur place), quatre saucissons, du sucre, du thé, du sel, 14 boîtes de poisson. Nous avons aussi acheté des serviettes en papier (non pas par snobisme de dernière minute, ou parce qu’on ne sait pas manger proprement, mais parce que c’est bien plus doux pour nos fessiers que le papier émeri kirghize), un peu de sauce tomate pour Jérémie définitivement fâché avec les boîtes de poisson, et cinq litres d’essence stockés dans des bouteilles de soda (comme le sucre, le sel et le riz !) achetés dans une station service. Retour à l’hôtel avec deux melons, dont on ne peut se lasser !

Sautons dans le bus

  On vide tous nos sacs et on enlève tous notre superflu, ce qui reste évidemment suggestif. Mieux vaut se méfier car on ne sait pas le temps qu’il va faire. On enlève souvent des t-shirts, des sous-vêtements, des chaussettes, bref, tout ce qu’on pense qui ne servira à rien et on charge ensuite la bouffe. Une boîte par là, des biscuits par ci. Bref, on équilibre un peu tous les sacs à coup de boîtes de poisson ou de raisins secs et faut se rendre à l’évidence : ça va être lourd. Pour se donner du courage pour la rando à venir, on file au resto et nous en découvrons un des plus fameux de Karakol (enfin, pour nous, car le Michelin ou même le Routard ne passent pas souvent par là). Leur spécialité : la viande en pot, un petit régal qui se mitonne doucement (il faut attendre plus longtemps, ce qui laisse le temps de siffloter une bière) ou un ganfan somptueux. Au retour, on met notre superflu dans des sacs poubelle grande taille (attention, on n’en trouve pas si facilement, donc mieux vaut en prévoir plusieurs avant d’arriver en Kirghizie, car ça protège bien de la pluie), qu’on dépose à la consigne de l’hôtel en indiquant bien nos noms et la date à laquelle nous voulons les récupérer. Surprise en payant : la charmante (?) gérante nous annonce que nous devons payer une journée de plus car on a dépassé midi. C’est comme partout ailleurs, mais bêtement, on n’y a pas pensé…

  A la gare routière, après que plusieurs chauffeurs nous aient demandé notre destination avant de nous proposer leur bus (ils vont tous à Djéti ?), nous trouvons enfin le bon et montons, installons nos sacs et nos fesses confortablement. On est très en avance et seules une mère et une petite fille sont montées. Elles nous offrent de minuscules pommes (ah, cette générosité légendaire, ça fait chaud au coeur) un peu vérolées mais délicieuses. Au bout d’un temps plutôt long, le bus se remplit un peu puis plus (sans égaler l’habituelle marée humaine qu’on a trouvée dans tous les bus) et nous partons pour nous arrêter deux minutes plus tard derrière un second bus. A notre surprise, on nous fait signe de descendre et de prendre l’autre bus, le bon celui-là, un bus bien plus petit et bien plus bondé. C’est un peu dur d’abandonner le maigre confort facilement acquis (ben, oui, on était tous bien assis, quoi) pour se retrouver debout pour certains coincés entre nos sacs et ceux des voisins. Autant dire que les Kirghizes savent optimiser l’espace des bus. Mais pas ménager les fessiers de ses voyageurs. Au lieu d’emprunter la route nationale qui nous aurait menés à destination en trente minutes, nous voilà entre deux villages, sillonnant les petits chemins parfois goudronnés, parfois non, souvent (très) cabossés. Mais finalement, c’est comme ça qu’on l’aime, le bus en Kirghizie. Rémi discute, les autres rebondissent sur leur siège, et c’est un moment de bonheur rare qui ne s’explique pas.

  Au bout d’une heure et demie, on monte sur une route goudronnée, le paysage est plus vallonné. Cà et là, la terre est remontée sous la forme d’un plis d’une vingtaine à une centaine de mètres de haut, d’un rouge bordeau bien vif (bref, regardez la photo, car ça vaut tous les commentaires) et nous sommes tous bouche bée devant ce paysage extraordinaire.

Ceux qui quittent la famille qui les accueille

  Il est 19h et le bus se gare sur une grande place. Terminus, tout le monde descend. On a tous la même idée en tête : trouver une âme charitable qui va nous accueillir pour la nuit, voire chez qui on mangera, moyennant finances bien sûr. Et il ne faut pas attendre longtemps avant qu’une dame nous propose son hospitalité. Nous la suivons jusque chez elle, la maison en haut du petit village de Djéti Oghouz qui est traversé par le torrent que nous devrons remonter. Elle nous indique une grande pièce avec comme seul meuble, une armoire, et nous savons déjà que les tapis dans le coin de la pièce nous serviront de lits. Il n’y a pas d’eau ni de salle d’eau et les WC sont dans le jardin, mais c’est déjà bien plus qu’on ne le souhaitait. En plus, elle nous propose un repas à base de pommes de terre et légumes avec du thé, mais sans viande.

  On négocie le prix et nous nous accordons pour 450 soms pour 5 (soin un peu moins de 12 euros). Finalement, c’est ni cher ni forcément donné. (On logeait pour 12 euros dans la capitale avec la salle de bain !). Notre hôte vit avec sa sœur et son fils, Daniar, petit gamin d’une dizaine d’années, plutôt facétieux. Avec lui, nous entreprenons de visiter le superbe site alentour et de faire un peu de frisbee (bon moyen de communication quand on ne connaît pas la langue). On monte un peu et on découvre une superbe vue sur le grand lac Issyk Koul que nous avions quitté il y a peu et sur les montagnes où nous passerons les jours suivants. Le soleil se couche et les couleurs sont incroyables, tout comme la pente que nous escaladons.

  On se détend, on apprécie, puis on revient manger assis autour d’une table basse. Notre hôte nous a préparé un plat colossal de pommes de terre, que nous engloutissons à notre propre surprise. On nous sert un thé délicieux, comme souvent en Kirghizie. Une fois repus, nous lui signalons que, demain, nous serons partis tôt (on compte se lever vers 5h !) et que nous souhaitons régler dès maintenant. On verse donc les 450 soms prévus et curieusement, elle recompte une fois, deux fois. « Un problème ? », lui demande Rémi. Oui, et un gros, car si il fallait bien verser 450 soms, c’était pour chacun d’entre nous. De correct, le prix devient inacceptable et nous ne l’acceptons pas. Du coup, ça brise un peu l’ambiance. Nous menaçons de partir et elle décide alors de baisser à environ 1200 soms pour tous. C’est encore bien trop pour nous, et finalement, amers et un peu écœurés par cette arnaque, nous reprenons nos sacs, saluons tristement Daniar, plus sèchement sa mère et partons dans la nuit monter la tente on ne sait où.

La leçon d’astronomie du Professeur Etienne

  Nous remontons alors la rivière, qui longe la piste où passent les voitures. C’est une nuit sans lune et on marche aux lampes de poche. De quoi réveiller nos angoisses de gamins. Où s’installer pour être un peu loin de la route, dans un endroit plutôt plat ? On trouve finalement notre bonheur, et on plante les tentes rapidement. Antoine, fidèle à sa tradition, décide de se coucher rapidement suivi de près par Jérémie. Etienne, Chris et Rémi s’attardent un peu sous le ciel étoilé où, suprême chance, entre les montagnes et les arbres, on voit quelques étoiles filantes. Etienne en profite pour apprendre à ses deux compères de tentes les constellations et encore une fois, c’est avec des regards d’enfant qu’on s’extasie sous ce ciel magique. Seul le froid vaincra notre patience et mettra un terme à une journée plus mouvementée que prévue. Et ce n’est qu’un début !


2
3
4
5
6
7
8
9