Nathalie et Stephanie


 Dobre Dien !

Le récit de Nathalie

  Le voyage continue en Asie Centrale. Une vaste région qui s’étend de la Russie à l’Iran et au Pakistan, et de la mer Caspienne à la Chine. 6 pays et une république semi autonome en "stan", plus ou moins connus. Quand ils le sont, c’est récemment en général pour de tristes et graves raisons :

- l’Afghanistan,
- le Tadjikistan,
- le Turkménistan,
- le Kirghizistan,
- l’Ouzbékistan,
- le Karakalpakstan,
- le Kazakhstan.

  Certains encore largement agités, nous ne passerons et ne poserons nos sacs que dans quatre d’entre eux, a priori.

  Une impression de deuxième départ : cette fois, aller vers l’inconnu... Après avoir lu quelques ouvrages de voyage d’Ella Maillart, Philippe Valéry (merci Jack) et Nicolas Bouvier (merci Antoine), j’imagine des peuples accueillants et hospitaliers, des bazars grouillant de monde et parfois d’animaux, des tchaikanas paisibles où se reposer et échanger quelques notes avec Tanya, Youri ou Asiel. Et surtout de nouveaux types de visages.

  En effet, l’histoire mouvementée de la région, les multiples migrations, invasions et occupations au cours des siècles (sur laquelle on ne s’étend pas trop - c’est dommage - en cours d’histoire), les diverses influences culturelles qui les ont accompagnées (Alexandre le Grand, Turcs, Huns, Mongols, Chinois, Soviétiques,...) ont façonné cette population atypique. Aujourd’hui, Kazakhs, Kirghizes, Tadjiks, Turkmènes, Ouzbeks, Ouyghours, Slaves, Dungans, Coréens, Allemands, Tatars, Kosaks, Mogols, Turcs, Karakalpaks, Pachtounes et Hazaras se « côtoient » dans cette étendue aux frontières pas toujours très logiques. Chaque ethnie perpétue ses coutumes, dans sa langue, pratique sa religion inscrite dans son mode de vie,... Ces six nations se cherchent, se reconstruisent, se réinventent, non sans anicroches (encore récemment en Ouzbékistan...). Nous avons quitte Delhi le 26 mai dernier. Un vol* au départ quelque peu agité nous mène à Bichkek (prononcez Bichkieeek), capitale du Kirghizistan. C’est l’Allemagne de l’Est des années 80 côté architecture et organisation de la ville : grandes avenues - trop larges pour le nombre de voitures (Lada) et d’habitants - et gros blocs. Un gros bloc pour le théâtre russe, un cube pour le Kirghize, un pour le musée (design), la mairie, les universités, les supermarchés (le Tsum, pas Goum), les hôtels, les habitations,... Un gros bloc pour tout, tous bien rangés. Quel contraste avec le Sri Lanka et l’Inde où tout fourmillait dans tous les sens! Un point commun avec Delhi : la verdure. Ici, les pelouses, les parcs, les arbres pullulent. Bien agréable ma foi ! Pour clore cette petite partie nature : de Bichkek, on a une vue superbe sur la chaîne de l’Alatau. Surprise agréable que de l’apercevoir au détour d’un bloc! Surprises moins agréables :
- la jeunesse Bichkekoise, à la limite de la dépravation,
- l’ambiance couvre feu : à la nuit tombée, il est préférable de rentrer chez soi et attendre que le soleil se lève de nouveau. Au pire, si on est reste dîner un peu tard, rentrer en taxi (ne pas le héler dans la rue mais appeler une compagnie sure). Les méchants buveurs de vodka un peu énervés par l’alcool (une sacrée dose!!!) et les mafieux rôdent...

  Puis c’est le départ vers la « Province » : Cholpon Ata et Karakol au bord du lac Issyk Koul, Balykchy (rien...), Kochgor (et ses habitants qui tirent la langue ... pour nous saluer ?) puis Osh à la frontière Ouzbek (les méridionaux kirghizes, la sympathie qui va avec). Les Ak Kalpak (couvre chefs), fichus, robes à fleurs aux motifs vieillots et sourires aurifères supplantent les t-shirts Eminem et les « mini youpes » (micro youpes, plutôt) de la capitale. Une constante : haleine de vodka (un toast toutes les 10 minutes pendant le repas, c’est la règle). Des paysages de montagne principalement : elles couvrent 94 % du pays (un peu plus grand que l’Autriche et la Hongrie réunis), dont l’altitude moyenne est de 2750 m. Magnifique, somptueux : des neiges éternelles, aux lacs de montagne d’un bleu irréel, en passant par les verts luisants des pâturages d’altitude (jailoos) et le rouge des canyons. A pied et à cheval nous avons admiré les alentours du lac Issyk Koul. Chouettes ballades qui nous ont permis de rencontrer des bergers et leur famille, et de partager avec eux airan (fromage blanc), confiture d’abricot, pain et thé. La nature domine largement, dans tous les sens du terme : peu de présence humaine, plutôt disséminée.

  Les Kirghizes sont à l’origine des nomades, éleveurs. Fin du 19ème, les Russes trouvent la région (toute l’Asie centrale) de plus en plus stratégique (politiquement : great game contre les Engliche 2-1) et commencent a s’y installer, parfois par la force. Jusqu’en 1991. Ils construisent des « villes » (une bien réussie est Karakol) et expliquent aux locaux que c’est bien d’être sédentaires. Ceux-ci sont alors fin prêts pour participer au plan et produire coton et patates pour la mère patrie en échange de quoi ils n’ont plus à se soucier de rien : ils disposeront de tout ce dont ils ont besoin, seulement ce dont ils ont besoin, ni plus, ni plus. Pas nécessaire d’imaginer l’avenir, ou même penser à créer quelque chose : on sait pour vous, là-bas, à Moscou, ce qui est bon pour vous parce que c’est pour le bien de tous qu’on pense. Ensuite, Joseph Djougatchvili et une petite purge plus tard, les Kirghizes (entre autres) ont perdu leur histoire, leurs repères. Plusieurs générations ont été habituées et aujourd’hui, 13 ans après l’indépendance, la nation a du mal à se trouver. On ressort des héros de derrière les fagots, on leur érige des statues à côté de celles de Vladimir Illich (toujours là!!!) et apprend leur histoire. On veut être démocratique, entrer dans le monde capitaliste puisque le socialisme soviétique n’a finalement pas été un système convenable. Le président Akaev, qui en est à son troisième mandat et trouvera certainement un bon moyen de passer une quatrième l’année prochaine - essaie tant bien que mal de lutter contre les mafias locales et faire connaître sa contrée. Un peu mégalo (sa photo est régulièrement visible et il apparaît quotidiennement à la TV, dont les programmes se terminent par un clip vidéo sur le pays, sur fond d’hymne national), il semble néanmoins plus sain que son voisin dictateur Ouzbek. La population l’apprécie, encore que 1. on ne sait pas dans quelle mesure les gens pensent maintenant par eux-mêmes, 2.ils parlent ouvertement aux étrangers. Bon, heureusement, les sauveurs du monde arrivent pour l’aider dans sa tâche et lui expliquer comment le monde fonctionne maintenant, ce qu’il faut faire pour que ça marche (comme aux US) : militairement présents (l’Afghanistan ce n’est pas si loin), "humanitairement" (nous avons rencontré de jeunes Peace Corps dans toutes les petites villes où nous sommes passées) et financièrement (aides à droite à gauche).


  Nous n’avons pas rencontré de difficulté particulière pour nous déplacer (bus et routes OK). En revanche, là encore, pas évident de communiquer. Je n’ai pas assez travaillé mon Russe avant de venir... Ils conçoivent qu’on ne parle pas le Kirghize, mais pour le Russe, qu’on ne soit pas bilingue, ça les sidère. La langue internationale pour eux. Du coup, discussions en général limitées aux aspects pratiques du voyage car rares sont les Anglophones que nous avons rencontrés (Asiel à Bichkek, Timourk à Cholpon Ata et Jogzoo à Osh). Difficile de se sustenter également : les cartes en cyrillique, de toutes façons des plats locaux à 90% à base de mouton (je n’en raffole pas quelle que soit la préparation).... Une surprise pour un petit déjeuner : Steph commande en Russe (enfin, elle pensait) des oeufs au plat et reçoit... du poulet frit !!! Avez vous déjà eu l’occasion de boire du pain pétillant ? Goûtez le Qvas !

  Les stars du moment : Eminem, comme partout et Britney Spears (Toxic plusieurs fois par jour...). Difficile encore d’échapper à Céline Dion. L’émission qui cartonne : la Star Ac russe (où ils gagnent tous à la fin). De la France, ils connaissent : Paris, Lyon, Toulouse, Jacques Chirac, les parfums Chanel, Patricia Kaas, Alain Delon, Jean Paul Belmondo, Louis de Funès, Pierre Richard (!), Zola, Hugo, Maupassant... et Zidane (2-1) !!!

  Le marché de la coloration, ça cartonne. L’Oréal bien visible sur Bichkek, pas du tout sur les bazars de campagne où on retrouve Schwarzkopf ou des copies de marque.

  Venez au Kirghizistan, surtout si vous adorez la montagne! Et apprenez quelques mots de Russe avant de partir, c’est indispensable !

 

Annexe * : le vol


  Le vol R8-548 Delhi/Bichkek avec Kyrghyzstan Airways est aussi mouvementé que le 747 pour Sidney, pour des raisons bien différentes! Matérielles celles-ci... Un bon 6h00 de retard pour commencer, après l’annulation d’un vol deux jours plus tôt : 22h30 annoncée, puis 00h30, 1h30, 3h00 ... pour ne décoller qu’à 4h45! Nous prenons place où nous pouvons dans le Tupolev 154 qui nous attendait sur le tarmac. Les places ne sont pas numérotées : 1er arrivés, 1er assis. Les habitués (quels êtres courageux et téméraires... et suicidaires) le savaient. Pas nous. Nous finissons à l’arrière de l’engin, limite assises sur des sièges (rabattables) : certains n’auront même pas cette chance et débutent le voyage sur ces cartons (décor de soute à l'arrière. D’ailleurs, c'était peut-être bien la soute). Avant le « décollage », l’hôtesse (qui n’en a que le nom) nous fait son speech. Pas les consignes de sécurité, il n’y en a pas. Simplement le « les ceintures s’attachent et se détachent... ». Et bien, pour une fois, j’aurais bien aimé avoir la totale, les gilets, les masques qui doivent « tomber en cas de dépressurisation de l’appareil »... Tous ces objets superflus n’étaient pas là : sans doute revendus pour financer la dernière révision, il y a quelques dizaines d’années (si le décor a été refait à la même date, cela doit nous mener au début de la guerre froide). Le froid, oui, le froid, parlons en. En altitude, l’air semblait passer à travers les vitres, pas impossible... Bon, indéniablement, une grande peur au décollage (ça réveille, en même temps). Un peu de mal à prendre son envol le coucou : on monte difficilement de 100 m et redescend subitement de 20... Tout cela dans un mouvement qui va de la droite vers la gauche puis vers la droite puis vers... le tout rythme par les craquements de la carlingue... C’est en voiture que nous avons passé la frontière Kirghistan-Ouzbekistan !!!

 

Le récit de Stéphanie

  Ce pays est incontestablement le plus déroutant et intéressant que je n’aie jamais visité. En résumé : des habitants, comment dire...surprenants, des paysages à couper le souffle, des rencontres... du troisième type, le tout baigné par des quiproquos hilarants...

  Ici, pas mal de gens semblent désorientés et désabusés : ils semblent ne pas savoir que faire de l'indépendance qu'ils ont acquise en 1991 de l'ex URSS, et sont encore pour la plupart englués dans des réflexes "soviétiques". Ils semblent manquer de repères, de valeurs auxquelles se rattacher : quasiment pas d’identité nationale, quasiment pas d'histoire commune (le Kirghizistan est en fait une province créée par les soviétiques, pas une vraie nation initialement), peu de religion (éradiquée par les russes). Rien à voir avec l'énergie des Indiens et leur grande fierté pour leur pays, leur patrimoine historique et culturel. Résultat : le chaos.
  A Bichkek (la capitale), la musique occidentale est partout (ou russe), pas de chansons Kirghizes, les femmes sont habillées comme chez nous (enfin presque ...!). L'alcool est un problème national (il n'est pas rare de voir un mec saoûl allongé dans la rue à midi). Chaque Kirghize fume à peu près 10 paquets de cigarettes par jour. On a pu rencontrer des gens très hospitaliers et serviables : un chauffeur de bus qui nous amène dans notre maison d'hôte via des chemins de terre chaotiques, 2 paysans qui nous invitent d'un signe de tête a monter à l'arrière de leur carriole pour nous conduire au marché d'animaux. Ici à Och, ville du sud, les gens sont très différents, très souriants et avenants. Mais on a aussi pu rencontrer des gens moins sympas : il est arrivé qu'on soient accueillies par des grimaces (même des dames âgées !) ... Nous avons aussi rencontré quelques Kirghizes qui ne trouvaient pas normal que nous ne parlions pas russe ...

  En revanche, les paysages sont parmi les plus beaux que j'ai jamais vus de ma vie : 94% de montagnes. Terre noire, rouge, rose, des formations géologiques inédites, des couleurs extraordinaires !! Malheureusement, et c'est pas faute d'avoir essayé, peu de trek possibles : les seuls possibles sont organisés par de petites agences et sont totalement hors de prix. Heureusement, nous avons pu bénéficier de l'hospitalité de Tania, qui nous a fait faire des ballades le long du lac Issyk Koul et dans les montagnes environnantes.

  Les Etats-unis ont mis le grappin sur le pays, dont l'emplacement est stratégique, via des aides financières lourdes qui leur "donne le droit" (enfin, ils le prennent) de plus ou moins piloter l'évolution politique et "démocratique" du pays, d'installer des troupes (l'aéroport accueille d'ailleurs pas mal d'avions militaires US).

  Le Kirghizistan aura aussi été le décor de quelques expériences inoubliables :
- des rencontres atypiques et du plus grand intérêt : un Français de 63 ans, ancien journaliste qui avait été au Vietnam pendant la guerre et aussi en URSS en 1965...De jeunes américains, volontaires dans une organisation "humanitaire" (hum, hum), appelée Peace Corps, censés apporter leur aide pour développer l'économie du pays (capitalisme, modèle américain à suivre, of course !).
- des fou rires : les menus, exclusivement en russe, nous ont amené quelques surprises de choix : ayant commande des oeufs au plat au petit déjeuner je me suis retrouvée avec du poulet !!! Nat qui avait demande des petits gâteaux secs avec son café s'est retrouvée avec un énorme gâteau plein de crème !
- j'ai appris à lire l'alphabet cyrillique et connaît maintenant quelques mots russes essentiels comme poulet, oeufs, paysage (même mot qu'en français !) etc...

  Bref, nous sommes toutes les 2 très curieuses de connaître l'évolution du pays dans les prochaines années.... Pour tout vous dire, on est assez perplexes...!

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